Dis, c'est quoi le travail ? [EPISODE 1]

LA NOTION DE TEMPS DE TRAVAIL
Par Tanguy Porret.

Nous commençons par un état des lieux de ce qu'est la notion de "temps de travail" aux différentes époques étudiées, découpées ainsi : Moyen-Âge, XVIe-XVIIIe siècle, XIXe à nos jours. On commence avec un constat assez simple : la notion de temps de travail n'a quasiment aucun sens pour ces deux premières époques.

Pour le Moyen-Âge, le manque de source est un point crucial, les quelques sources que l'on retrouve sont éloignées et ne concernent que quelques activités. De plus, il n'y a pas d'unité de temps uniforme, d'un lieu à l'autre la même unité ne vaut pas les mêmes choses et de ce fait, une mesure du temps de travail serait vide de sens. On notera tout de même que c'est dans le monde monastique que l'on retrouve une première organisation temporelle du travail. Du coup, on se base plus sur l'accomplissement d'une tâche que sur une durée déterminée. On sait tout de même que les saisons influaient forcément sur le travail, notamment pour l'agriculture, mais aussi pour le reste puisque les journées sont plus courtes en hiver qu'en été, on retrouve ainsi le rythme paysan jusque dans les villes.

Pour la deuxième période, le constat est le même, si le temps est déjà bien plus uniforme, on a encore des variations sur les différentes durées. On a toutefois quelques estimations de durée de travail : environ 250 à 300 jours par an, 12 à 15 h par jour. On passe d'une durée annuelle d'environ 2200h, à entre 3000 et 5300h. Si le temps de travail journalier est aussi élevé, c'est parce que le rythme est finalement assez faible. On n’hésite pas à prendre une pause pour manger par exemple. Pour ce qui est du nombre de jours, il est réduit grâce aux nombreuses fêtes religieuses de l'époque qui sont donc chômés. Si le travail reste majoritairement diurne, certaines circonstances obligent à travailler sur des jours chômés ou de nuit. Une fois qu'un four est allumé, on ne l'éteint plus et l'on continue à travailler, peu importe l'heure. Il est amusant de noter que ces chiffres proviennent majoritairement de sources judiciaires, il s'agirait d'un historien ayant décidé d'analyser les réponses à la question : "que faisiez-vous au moment du crime ?" à Londres pour en savoir plus sur le temps de travail de l'époque. À cette époque, le partage entre temps de travail et temps de loisirs est difficile, et la notion de temps "libre" n'existe pas.

Enfin sur l'époque contemporaine. Il faut d'abord noter que l'évolution du temps de travail n'est pas linéaire, on voit de nombreux retours en arrière et la loi n'est pas toujours respectée. On commence aussi, durant le XXe siècle à reconnaître le travail domestique. Grâce aux évolutions technologiques, c'est un travail qui devient, dans les années 30, moins dur, moins long, mais toujours "féminin". Ainsi, on nous rappelle que si les femmes passent de moins en moins de temps aux tâches domestiques, les hommes n'en passent que guère plus, l'écart entre les deux restant aujourd'hui très élevé. Durant les années 80-90, les discours progressent notamment grâce aux différentes vagues de féministes et les lois changent peu à peu. On voit aussi qu'il y a une différence importante entre les tâches accomplies par les femmes et celles accomplies par les hommes. En effet, les secondes sont assimilées à une forme de loisir. Enfin, la réduction globale du temps de travail à cette époque implique de penser de nouveaux temps sociaux. Le temps libéré n'est pas forcément libre, il peut s'agir de l'utiliser d'une autre manière, mais pas d'en faire ce que l'on veut.

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Chloé Briand