VOTE BLANC/ABSTENTION ?
Par Tanguy Porret
Alors maintenant il y a le vote blanc. On va donc partir dans le merveilleux monde du symbolisme et donc d’une réflexion théorique plus que pratique. En effet, dans les faits rien ne différencie le vote blanc du vote nul ou de l’abstention. Il pourrait y avoir 90% de vote blanc ou d’abstention, l’élection serait toujours valide et læ vainqueur•e serait cellui ayant reçu le plus grand nombre de voix. De ce fait, la différence entre les deux, puisque le vote nul est à part, est purement symbolique.
À partir de là, il faut se demander, que veut dire un vote blanc ? Que veut dire une abstention ? Commençons par le premier. Le vote blanc remet en cause les candidat•e•s, qui ne correspondent pas aux idées du votant, ou parce que le choix entre deux (ou plus) candidat•e•s est complexe.
Que veut dire une abstention ? Il remet en cause un système, il refuse la légitimation de ce système.
Aucun rapport donc. Alors pourquoi est-ce que je choisis le second plutôt que le premier ? En effet, au début de mon texte je dis qu’aucun•e candidat•e ne me convient. Donc on rentre dans le premier cas : un problème de candidat•e. Mais le besoin d’avoir un article un peu organisé m’a obligé à éluder un problème, central à mon goût : le problème ne vient pas des candidat•e•s, mais du système dans lequel iels agissent.
En ce sens, même s’il y avait un•e candidat•e qui correspondait parfaitement à mes idées, je ne pourrais voter ellui. Les raisons pour cela sont simples en soi. Je ne considère pas que notre système politique actuel soit démocratique. Il n’est pas démocratique car on perd le pouvoir sur les élu•e•s à partir du moment où iels sont élu•e•s, de ce fait, on n’a pas le pouvoir, on nous le donne de temps en temps. On pourrait aussi dire qu’on le donne la plupart du temps, mais ça reviendrait au même dans le sens où l'on ne l’a pas la quasi-totalité du temps. S’ajoute à cela le fait que le choix des candidat•e•s est aussi réduit. Alors on peut parler des personnes qui peuvent se présenter (qui ont au moins 500 parrainages), mais aussi de celleux qui ont “une chance de gagner”. En ce sens, nous avons 11 candidat•e•s à l’heure actuelle (bien que pour l’instant nous ne soyons pas certains que tou•te•s aient les 500 signatures). Mais il y a bien plus de personnes qui voudraient être candidat•e•s. Cependant, parmi ces 11 personnes, combien sont considéré•e•s comme étant sérieuxse ? Arthaud, Poutou, Cheminade, Dupont-Aignan, Lassalle ? Aucune chance, iels sont considéré•e•s comme des “petits candidats”. Leur temps d’antenne est donc, avant le début de la campagne, moindre, et moins pris au sérieux. Il n’y a qu’à voir le traitement de Poutou dans On n’est pas couché, où les chroniqueurs sont hilares pour une personne qui n’a pas réussi à prononcer une phrase correctement, et ce pendant quasiment 2 minutes. Pendant ce temps là, Poutou patiente, et pendant la campagne, ce moment aurait été considéré comme “du temps de parole”. Au-delà de ça, qui connaît le programme de Poutou ? D’Arthaud ? De Cheminade ? De Dupont-Aignan ? De Lassalle ? Connaissiez-vous seulement leurs candidatures ou pire, leur existence ? Par contre, on aura régulièrement Macron, Fillon, Hamon, Le Pen, ou, à la limite, Mélenchon. On imprime dans les têtes que tou•te•s en dehors de ces candidat•e•s n’ont aucune chance de gagner, qu’iels sont de fait “inutiles” (Jean-Michel Apathie). Iels n’ont de fait aucune chance de gagner (c’est aussi un des arguments que j’ai utilisé plus haut, j’en suis conscient, l’idée à ce moment-là étant que me déplacer pour ça est inutile). L’heure du “vote utile” et du “barrage au FN” rendant encore plus risqué le fait de voter pour un “petit candidat”, puisque pouvant favoriser le FN. On part donc d’un nombre réduit de candidat•e•s, dû aux règles de plus en plus restrictives pour les candidat•e•s qui ne sont pas supporté•e•s par un gros parti, pour arriver à 4 ou 5 candidat•e•s (sachant que dans le lot il y a le FN). Donc le choix final est complètement réduit, et les différents partis qui ont été au pouvoir (au gouvernement ou au Parlement) n’ont eu de cesse de le rendre plus réduit encore.
Les alternatives possibles sont donc brimées par notre système électoral, mais pas seulement. Les médias “mainstream” (journaux, radios, chaînes de télévision) tuent dans l’œuf ces alternatives (de gauche en général) en les présentant comme étant des rêveries, comme étant irréalistes, irréalisables. Quand ce n’est pas fait, on va demander aux candidat•e•s de répondre à des questions avec des mots qui ne sont pas les leurs. Pour faire très simple, les études montrent qu’on pense avec les mots, on n’a pas une pensée abstraite sur laquelle on met des mots, mais des mots qui façonnent notre pensée. De fait, si l'on vous parle de “charges sociales” ou de “cotisations patronales”, l’idée n’est pas du tout la même, pourtant cela désigne la même chose. Ainsi, si vous demandez à un•e politicien.ne de gauche ce qu’il compte faire pour diminuer les charges patronales, vous lui demandez ce qu’il compte faire pour fermer des hôpitaux, l’un impliquant l’autre. La personne se retrouve directement à devoir faire face à quelque chose de négatif (une “charge”, un poids donc, quelque chose qui ralentit), là où l’idée implicite est de permettre d’avoir un système social qui fonctionne. Si vous posez la même question en replaçant charge par cotisation, l’idée n’est plus la même, et c’est au contraire vous qui vous retrouvez gêné.e parce que si une cotisation a une connotation moins négative, pourquoi donc les supprimer ? De ce fait, demander à un•e candidat•e de gauche de répondre à des questions avec un vocabulaire de droite (parce que c’est ce qui arrive le plus souvent), c’est déjà favoriser la droite. C’est déjà dire que les idéologies de gauche sont hors des réalités. On en arrive à un point où les candidat•e•s de gauche elleux-mêmes bannissent le vocabulaire de gauche, de peur de paraître justement trop de gauche (ce qui est surtout vrai pour la gauche centriste/PS). Et ainsi, les politicien•ne•s de gauche se retrouvent souvent à avoir des idées de centre droit, voire clairement de droite.
Pour toutes ces raisons, le choix final est loin d’être représentatif de toutes les idéologies qui peuvent exister en France. Même avec toute la bonne volonté du monde, dans le système actuel, Poutou (par exemple) n’a aucune chance de gagner. Pour que notre système soit “plus” démocratique, il faudrait que tout le monde puisse se présenter, sans contraintes, et ait le même traitement que les autres dans les médias. Autrement, on se retrouve face aux mêmes choix encore et encore -et le moindre changement de tête fait chavirer les foules- ou avec des prophéties autoréalisatrices.
De plus, on perd tout pouvoir sur les élu•e•s dès lors qu’iels sont élu•e•s. Certain•e•s se vantent même de résister aux “pressions civiles”, aux citoyen•ne•s qui tentent de faire entendre leur voix. On fustigent les manifestations comme étant la parole d’une minorité (pour dans certains cas dire après qu’une autre manifestation relève de la volonté populaire). Comme dit plus tôt, on peut difficilement faire confiance aux programmes des candidat•e•s, et de fait on ne sait finalement que peu ce qui sera fait par l’un•e ou l’autre candidat•e. Impossible, une fois que l’on sait que ce qui a été promis ne sera pas réalisé, de “gentiment” demander à la personne d’aller travailler ailleurs pendant qu’on la remplace par quelqu’un qui tiendra ses promesses. Une fois élu•e, la personne peut faire ce qu’elle veut, on ne pourra pas la forcer à partir. Et vu ce qui se passe à l’heure actuelle, même si la personne est mise en examen ou accusé d’agressions sexuelles (exemple pris tout à fait au hasard bien sûr), elle risque de ne pas partir (cf. Fillon, Le Pen, Baupin, etc.).
Pour toutes ces raisons, notre système est loin d’être une démocratie correcte. De ce fait, je ne peux me résoudre à voter blanc, car cela légitimerait un système que je ne soutiens pas. Cela reviendrait à envoyer le message que le problème ne vient pas du vote (ou plus précisément de la représentativité) mais des candidat•e•s. Or ce n’est pas ce que je pense, je considère que le problème vient bel et bien du système et pas des élu•e•s en soi. Si l'on changeait toute la classe politique, on aurait une nouvelle classe politique qui finirait comme l’actuelle. Le problème ne vient donc pas de cette classe politique, mais de l’existence même d’une classe politique.
Le prochain et dernier article parlera des arguments qui ne contredisent pas l’entièreté de ce que je viens de dire, mais qui vont critiquer d’autres choses sur l’abstentionnisme.
[A SUIVRE]
Chloé Briand