VOTE "UTILE" ET VOTE "POUR LE MOINS PIRE"
Par Tanguy Porret
Alors maintenant, on a tendance à me dire “nan, mais faut voter pour le moins pire”. Soit. Je suis pas un pro en étymologie, mais il y a un mot dont je connais l'étymologie, c’est “démocratie”. Démocratie vient du grec demos, le peuple, et kratos, le pouvoir. Littéralement donc, la démocratie c’est le pouvoir du peuple. Ainsi, si je vous proposais un choix entre mourir en sautant d’un pont ou en buvant un poison mortel, est-ce que vous considéreriez que vous avez le pouvoir de décider votre mort, ou soyons fous, votre vie ?
Avoir un choix ne veut donc pas dire qu’on a le pouvoir, que l’on décide. Donc, voter pour le moins pire, ça montre déjà qu’il y a un souci au niveau de notre démocratie, justement parce qu’on en est réduit à ça, à voter pour le moins pire. Au-delà de ça, voter pour le moins pire, ça veut dire quoi ? En général, quand on dit ça, on pense instantanément au FN et à sa montée de plus en plus forte, on pense au fameux barrage au FN, au front républicain. On se dit que si l'on évite le FN, ça va. Je comprends bien l’idée en soi, on voit rapidement -surtout quand on a une certaine sympathie pour les idées de gauches- que le FN, ça va être compliqué. Le souci c’est qu’on n'a pas attendu le FN pour que ce soit compliqué. Les contrôles au faciès défendu par le gouvernement, l’état d’urgence, la répression policière, la violence policière, la Loi Renseignement, les “débats” sur le burkini, le voile, l’islam en général, les assignations à résidences, les manifestations interdites, Théo, Adama, c’est pas les exemples qui manquent. Toutes ces idées sont estampillées FN, et pourtant elles ont été mises en place par des gouvernements de gauche et de droite, supposément loin des extrêmes. Quand on s’inquiète que le départ de Fillon donne plus de voix au FN qu’à Macron, c’est qu’il faut se poser des questions sur les idées véhiculées, parce que les idées économiques de Fillon ne sont pas celles du FN… En plus de cela, le front républicain est une technique qui est certes intéressante, mais qui a une vision à court terme. Son efficacité diminue à chaque élection (sa première application avait fait gagner Chirac avec 80% tout de même). Pourquoi ? Parce qu’on ne se pose pas la question de “pourquoi le FN monte”. Or c’est cette question qui est primordiale. Le FN monte parce que ses idées ont été normalisées par la droite et la gauche (Valls, Sarkozy, Fillon), parce qu’il a été normalisé par les médias (il n’y a qu’à voir l’omniprésence de Philippot à BFMTV ou dans les médias en général). Mais à qui la faute ? Aux électeurs ou aux politiciens qui ne se sont jamais remis en question et qui ont voulu dépasser le FN par la droite ? Qui fait le jeu du FN dans tout ça ? Alors même si c’est tentant de voter Hamon pour éviter le FN, ça ne fera que reculer l’échéance, parce que la remise en question ne viendra pas, alors que c’est ça qui fera barrage au FN.
Donc voter pour le moins pire, ça marche moyen contre le FN, mais même contre le reste ce n’est pas efficace. Regardez Hollande en 2012, il avait un programme de gauche, très socialiste, il a été élu là-dessus et ça a donné… la loi Macron, la loi Travail, l’état d’urgence, etc. Des choses que Sarkozy ou Fillon auraient bien voulu avoir sur leur bilan. Donc voter pour un candidat de gauche ne garantit pas d’avoir une politique de gauche, et l'on constate en général que les programmes politiques ne sont finalement qu’une formalité tant on sait qu’ils ne seront pas ou peu respectés. À partir de là, le vote reste une preuve de foi, on prie pour que la personne respecte sa parole pendant son mandat, et alors que certains reviennent déjà sur leurs promesses sans même être élus, on espère. Alors on vote pour une personne, pas pour un programme, même pour ceux qui dénoncent la “monarchie républicaine”, c’est toujours une personne qui incarne un programme, et pas un programme représenté par une personne. D’où le fait que tous les discours anti-système paraissent très hypocrites...
Bref, voter pour le moins pire, ce n’est pas mon truc non plus.
Par la suite, on verra la différence qu’il peut exister entre le vote blanc et l’abstention.
[A SUIVRE]
Chloé Briand